Purist Perspectives

L’exposition « Perspectives Puristes », présentée par la Galerie Raphael Durazzo du 9 mai au 17 juin 2023, cherche à mettre en avant l’influence du mouvement puriste dans la création contemporaine.

En mettant en parallèle les plus grands maitres du mouvement puriste, tels qu'Amédée Ozenfant, Le Corbusier, Fernand Léger ou encore Serge Charchoune, avec des artistes confirmés de notre époque, l'exposition vise à mettre en lumière les liens entre ce mouvement et l’art contemporain, qui bien que développé sur une seule décennie, continue toujours d'influencer les artistes d’aujourd’hui plus d’un siècle plus tard.

« La valeur d’un tableau dérive de la qualité intrinsèque de ses éléments plastiques et non de leur potentiels narratifs ou représentationnels» Ozenfant & Le Corbusier dans Après le Cubisme, 1918.

Amédée Ozenfant avait déjà amorcé une critique du cubisme qu’il jugeait trop peu préoccupé de la modernité dès 1916 dans la Revue l’Elan qu’il crée avec Max Jacob : « le cubisme a réalisé déjà en partie son dessein puriste de nettoyer la langue plastique des termes parasites », disait-il, il n'en est pas moins resté en chemin ; « le cubisme est un mouvement de purisme » qui doit être porté plus loin.

Edouard Jeanneret qui se fera plus tard appeler Le Corbusier, a lui étudié à Werkbund, l’école d’art allemande vectrice pionnière de l’esthétique de la machine (Machine Esthetics) et l’idée de l’œuvre totale (Gesamtkunstwerk). Ensemble ils souhaitent se démarquer de la complexité de la peinture cubiste qu’ils jugent exagérée. En 1918, ils écrivent un livre manifeste : Après le cubisme, qui prône l’avènement d’une esthétique épurée et moderne, affirmant se placer dans la lignée de Cézanne qui disait que « tout est sphères et cylindres ».

Ils publient en 1920 l’Esprit Nouveau rejoints par nombre d’autres grands artistes parmi lesquels le russe Serge Charchoune qui dira après avoir vu la première œuvre puriste d’Ozenfant qu’il « n’en est pas ressorti en un seul morceau ».

Juan Gris, Fernand Léger, Serge Charchoune et tant d’autres y contribueront régulièrement jusqu’à l’arrêt de sa publication en 1925. C’est également l’année de l’exposition Universelle des arts décoratifs qui se tient à Paris et dans laquelle Le Corbusier construit son pavillon L’Esprit Nouveau dans lequel seront exposées ses œuvres avec celles d’Ozenfant, Leger mais également Juan Gris et Lipschitz.

Les puristes considéraient leur art à la fois comme moderne et classique ; classique dans leur dévouement à la rationalité et à l'ordre – leurs peintures utilisaient les proportions mathématiques utilisées pour construire des monuments antiques ; moderne dans leur dévouement à la science et à l’esthétique de l'âge de la machine – en cela ils se différencient du classicisme de l’entre-deux guerres estimant que c’est la machine qui représente l’idéal antique.

Les premières compositions puristes se préoccupent du seul rapport des formes géométriques aux couleurs sombres et passées qui les mettent en valeur : les cercles, cylindres et rectangles sont utilisés pour créer chez le spectateur une émotion pure et sincère dans une société en voie de standardisation. Les natures mortes puristes ne cherchent pas à traduire toutes les nuances de la représentation d’un objet mais montrent plutôt des objets types, faisant partie du quotidien d’un individu en faisant l’économie de toute ornementation.

 

Fernand Léger et son atelier

 

Les artistes contemporains listent souvent Fernand Léger parmi leurs influences les plus déterminantes, et pourtant on manque souvent de remonter le fil de cette influence au mouvement lui-même qui influence énormément l’artiste sans qu’il ne s’y rattache tout à fait. On peut donc s’amuser de constater que c’est peut-être à lui qu’on lui doit la pérennité de son influence. Léger, avec Ozenfant et Le Corbusier, reproche à Braque et Picasso de ne pas rendre compte de la réalité moderne. En revanche il se démarque des fondateurs du mouvement et utilise des couleurs vives, adjoint la figure humaine à l’objet fabriqué et se tourne vers l’abstraction, en particulier l’abstraction murale avec la grande fresque qui sera exposée dans le pavillon l’Esprit Nouveau en 1925 é la suite duquel viendront de grandes commandes devenues depuis iconiques comme celle qui orne le siège des Nations Unies.

Fernand Léger crée un atelier-école en 1924 qui attire à lui des talents venus de toute l’Europe, certains artistes majeurs du XXème siècle y feront leurs classes dont de nombreuses femmes : Louise Bourgeois, Marcelle Cahn, Florence Henri, Nadia Khodossievitch (Nadia Léger), Nicolas de Staël et Tarsila do Amaral.

D’autres artistes sont, bien sûr, grandement influencés par Fernand Léger, ainsi le style de l’inclassable Magritte n’est pas sans rappeler celui de la période puriste de Fernand Léger qu’il rencontre en 1925 par l’intermédiaire de Victor Servranckx.

A travers Magritte et Léger, les codes du Purisme se sont transmis jusqu’à aujourd’hui et on voit fleurir une nouvelle génération d’artistes dont les tableaux offrent à voir une multiplicité de personnages et de formes en découpes géométriques qui semblent s’emboiter les unes aux autres sur la toile, comme le feraient les rouages d’une machine ou des éléments architecturaux.