Titina Maselli est une figure marquante de l’art italien du XXe siècle. Ses grands
formats nous plongent dans des nuits sur toiles reconnaissables au premier
coup d’œil : on y retrouve le mouvement, la vitesse et l’énergie qui caractérisent
la période de l’après-guerre jusqu’aux années pop. Maselli traite du rapport
de l’espace et de la lumière avec le génie d’une coloriste hors pair et enfièvre
l’héritage des avant-gardes italiennes dans une œuvre qui avait toute sa place
dans la programmation de la galerie, que nous voulons dédiée à l’histoire des Avant-Gardes.
Née à Rome en 1924 au sein d’une famille d’artiste et d’intellectuels, son père,
philosophe et critique d’art, l’encourage très jeune à peindre et c’est en 1948 à
Rome, alors âgée de 24 ans, qu’elle expose pour la première fois ses toiles. Elle
est très vite remarquée. Pour l’écrivain italien Renzo Vespignani, ses créations
reflètent « les passions d’une génération encore acerbe, mais déjà éprouvée par
la peur et le désespoir ».
Plus tard Maselli peint les archétypes de son temps, « La Rome impériale ne
m’intéresse pas, je cherchais la Rome moderne et il me semblait la découvrir
la nuit » dira-t-elle plus tard de ses premières recherches. Des cités nocturnes
font apparaître ce qu’il lui semble rester du réel et qu’on ne regarde pas assez
: elles sont traversées par une géométrie de lignes et de réseaux urbains dans
lesquelles les rues s’éveillent sous l’éclat vibrant des néons et des enseignes
lumineuses.
La modernité de Maselli casse ainsi le paysage jusqu’à faire disparaître la nature et s’intéresse au mouvement seul. Ses Métropolis se font le théâtre de footballeurs,
de boxeurs et de cyclistes qui fendent le béton plus qu’ils ne s’y fraient un chemin.
Titina Maselli participera à quatre reprises à la Biennale de Venise et exposera dans plusieurs villes d’Europe.
De 1952 à 1955, elle réside à New York, se confrontant au mouvement Pop Art
dont elle tient à se différencier : « Ces jeunes artistes veulent peindre l’objet en
soi. Moi par contre, j’entends peindre des conflits ». Elle peint d’ailleurs ce conflit entre l’homme et son environnement qu’il essaie sans cesse de semer, de dépasser en énergie, en vitesse, en force encore. Elle mettra plus tard ce conflit au cœur de son travail en assurant la scénographie de nombreux films.
Dans les années 70, elle vient à Paris où le théâtre et l’opéra l’accueillent et font
sa renommée. Collaborant avec de grands metteurs en scène tels que Jean
Jourdheuil, Brigitte Jaques et, surtout, Bernard Sobel avec qui elle travaille sur
vingt créations entre 1980 et 2003, principalement en concevant les décors
et les costumes : Va-et-vient et Pas moi de Samuel Beckett (1980), Le Cyclope,
opéra de Betsy Jolas d’après Euripide (1986), Les Géants de la montagne de
Luigi Pirandello (1994).
En 2003, pour le festival d’Aix-En-Provence, elle imagine les décors de Renard,
de Stravinsky, mis en scène par Grüber et dirigés par Pierre Boulez. À l’occasion
du centenaire de sa naissance, deux rétrospectives, réunissant des œuvres
issues des collections publiques et privées, sont organisées concomitamment
à Rome au Casino dei Principi à la Villa Torlonia et au Museo Laboratorio d’Arte
Contemporanea de l’Université Sapienza jusqu’en avril 2025.